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plaines fortunées de Mathoura, fait résonner sous ses doigts divins la flûte pastorale, et aux accords mélodieux d’une céleste harmonie, forme avec le chœur des Gopis éprises de ses charmes, des danses voluptueuses à la douce clarté de Lunus, le mystérieux flambeau des nuits.

Ô toi, Dieu charmant ! dont la naissance a précédé la création et dont la jeunesse est éternelle ! Que le chant de ton brahmane asservi à les lois puisse, à jamais, retentir sur les bords sacrés du Gange ! Et à l’heure où ton oiseau favori, déployant ses ailes d’émeraude, te fait franchir l’espace dans son vol rapide, lorsqu’au milieu de la nuit silencieuse, les rayons tremblants de Ma (la lune) glissent sur la retraite mystérieuse des amants favorisés ou malheureux, que la plus douce influence soit le partage de ton chantre dévoué, et que, sans le consumer, ton feu divin échauffe voluptueusement son cœur !


Il est intéressant de rapprocher de cette invocation celle de Lucrèce à Vénus.

INVOCATION


Douce et sainte Vénus, mère de nos Romains,
Suprême volupté des Dieux et des humains
Qui, sous la voûte immense où dorment les étoiles,
Peuples les champs féconds, l’onde où courent les voiles ;
Par toi tout vit, respire, éclos sous ton amour
Et monte, heureux de naître, aux rivages du jour.
Aussi, devant tes pas, le vent fuit ; les nuages,
À ta divine approche, emportent les orages ;
Pour loi, la terre épand ses parfums et ses fleurs g
Le ciel s’épanouit et se fond en lumière.
Car sitôt qu’il revêt sa splendeur printanière,
Et que, par les hivers, le zéphir arrêté
Reprend enfin sa course et sa fécondité,
Les oiseaux, les premiers frappés par ta puissance,
Ô charmante Déesse, annoncent ta présence ;
Le lourd troupeau bondit dans les prés renaissants,
Et, plein de toi, se jette à travers les torrents :
Sensibles à les feux, séduites par tes grâces
Ainsi des animaux les innombrables races,
Dans le transport errant des amoureux ébats,
Où tu veux les mener s’élancent sur tes pas.
Enfin, au fond des mers, sur les rudes montagnes,
Dans les fleuves fougueux, dans les jeunes campagnes,
Dans les nids des oiseaux et leurs asiles verts,
Soumis à ton pouvoir, tous les êtres divers,
Le cœur blessé d’amour, frissonnants de caresses,
Brûlent de propager leur race et leurs espèces.