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rendirent indispensables aux princes et aux grands par les services qu’eux seuls savaient leur rendre, et gagnèrent leur faveur par l’agrément de leur esprit et de leurs talents et par la souplesse de leur caractère. En même temps qu’ils développaient dans les masses le vichnouvisme ou plutôt la religion de Krishna que le Bouddha avait condamnée, ils produisaient beaucoup d’œuvres remarquables. Ils ennoblissaient par de grandes épopées et popularisaient par des légendes écrites les dieux et les héros. Restés les seuls héritiers du genre Aryen dans l’Inde et possédant dans la langue sanscrite un admirable instrument pour la poésie et la philosophie[1], ils renouvelèrent tout : hymnes, poèmes épiques, systèmes théosophiques, codes de lois. Ce fut une véritable renaissance. Des rois, amis de l’ancienne littérature, tinrent à leur cour des Académies de poètes aimables et de beaux esprits qu’ils payaient fort cher. On y improvisait des vers et jusqu’à des madrigaux et des épigrammes. Parmi ces poètes, on cite Kalidaça, l’auteur du drame si admiré de Çakountala. Commencé avant l’ère chrétienne, ce mouvement littéraire se continua jusqu’à la conquête musulmane. Cette littérature des Brahmes plaisait beaucoup plus que la soporifique et nuageuse métaphysique des Bouddhistes. La faveur des princes les aidait à écraser leurs adversaires. Ils achevèrent de se la concilier en ayant pour leur usage et pour celui de ce qu’on appellerait aujourd’hui la haute société et la bonne compagnie et pour eux-mêmes, en ce qui concerne les plaisirs charnels, une morale des plus faciles. Les règles ont été tracées par Vatsyayana dans le Kama-Soutra ou traité de l’amour (art d’aimer), qui est considéré comme le chef-d’oeuvre et le code sur la matière.

Ce livre doit être rattaché à la renaissance brahmanique ; il a été écrit pendant la lutte entre les brahmes et les bouddhistes, puisqu’il défend aux épouses de fréquenter les mendiantes bouddhistes (on sait que les religieuses bouddhistes étaient mendiantes).

  1. Ce mouvement extraordinaire suivit de près l’invention et l’adoption de l’écriture sanscrite qui servirent à la fois au bouddhisme et à la renaissance brahmanique de même que la découverte de l’imprimerie favorisa le développement de le Réforme et de la Renaissance.