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rales et même d’ascétisme, mais en réalité, les membres de ces réunions ne sont que des libertins hypocrites. On prétend que beaucoup de brahmes en font secrètement partie bien que publiquement ils affectent de les blâmer, parce que toutes ces pratiques sont contraires aux règles sur les castes et les souillures.

Ce fait n’est qu’une application particulière de la politique générale des Brahmes qui partout ont flatté les passions et semé la corruption, pour détacher du bouddhisme les populations qu’il avait d’abord conquises.

C’est dans cette même pensée qu’ils ont constitué la grande secte essentiellement panthéiste de Vichnou, et principalement le culte de Krichna. Bien mieux encore que le Sivaïsme, le Vischnouvisme, par sa théorie des incarnations et de l’action continue de Vischnou pour la conversion du monde et par la divination de la vie dans toutes ses manifestations, se prêtait à l’adoption de toutes les divinités, de tous les cultes, de toutes les superstitions aborigènes. Actuellement l’Inde compte plus de 20,000 dieux, la plupart anciennes divinités locales qui sont adorées par les vishnouvistes, en même temps que Vichnou dans ses principales incarnations de Rama et de Krischna et dans ses attributs essentiels de dieu soleil, tel que le conçoivent une grande partie des Hindous, surtout les plus instruits.

Krishna fut un prince ou chef indigène (le mot krishna veut dire noir), guerrier habile et heureux, qui rendit aux Brahmes des services signalés dans le cours de leurs luttes contre les Kchattrias, et dont les premiers, en récompense, firent une incarnation de Vichnou. Son culte et ses légendes, notamment celles de ses amours avec Radha, furent, dès l’origine, très licencieux, et Krishna fut sans doute tout d’abord le dieu du plaisir. Le Lalita-Vistara (vie poétique de Bouddha) confond Krishna avec Marah, le tentateur, le dieu de la concupiscence. Pour les besoins de leur lutte contre le bouddhisme, les Brahmes relevèrent le culte de Krishna, fort goûté du sensualisme hindou ; ils lui laissèrent probablement toute la licence de ses pratiques pour le bas peuple, mais en même