Page:Lalot - Essai historique sur la conférence tenue à Fontainebleau entre Duplessis-Mornay et Duperron le 4 mai 1600, 1889.djvu/6

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
II

rions, pour notre part, souscrire à ce jugement. La victoire du champion catholique fut plus imaginaire que réelle. Et il nous paraît que les protestants eux-mêmes se hâtèrent trop de passer condamnation sur les accusations formulées contre Mornay ; ils acceptèrent avec trop de complaisance la version catholique, qui côtoie de si près la légende.

Que Duplessis-Mornay se soit mal défendu, cela n’est contesté par personne — nous verrons pourquoi cela était inévitable ; — que, sur la plupart des questions, les commissaires aient prononcé en faveur de son adversaire, il serait également impossible de le nier. Mais de là à conclure que les citations de l’auteur huguenot étaient tronquées, faussement alléguées ou détournées de leur sens logique et naturel, il y a une distance que la vérité ne permet pas de franchir sans iniquité ou sans violence.

Il est vrai que deux des principaux coreligionnaires de Mornay, d’Aubigné et Sully, n’échappèrent pas à l’influence de la version catholique. Le dernier, qui n’aimait par Duplessis-Mornay — peut-être parce qu’il était huguenot trop rigide ou chrétien trop zélé, — le raille lourdement sur l’attitude pitoyable qu’il aurait eue dans la discussion. D’Aubigné, de son côté, fait, dans son autobiographie, une légère allusion à la conférence ; mais on dirait qu’elle ne lui sert que comme de transition pour arriver à nous faire savoir que, lui aussi, il se mesura avec le terrible jouteur catholique, et l’embarrassa si bien dans les mailles serrées de sa dialectique qu’il le contraignit à quitter la partie.

Il n’y eut pourtant pas unanimité dans les jugements portés sur la conférence. L’Estoile, comme nous le verrons dans la suite, se borne à enregistrer les décisions du jury, sans les accompagner d’aucune réflexion. Ce silence peut être considéré comme une tacite expression de sympathie à l’égard de Mornay, si on le compare au jugement de Sully, de P. Cayet, de Pierre Matthieu et d’autres écrivains catholiques. — Le pasteur Constant composa tout exprès une petite bro-