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les mangerai à ta santé, bon cœur compatissant, et que Dieu te bénisse !

Tout en s’habillant, André jeta un dernier regard autour de sa petite chambre. Une étrange émotion l’étreignit.

— Mais ce n’est pas possible, dit-il, je me sens tout à coup attaché à ce qu’il me faut quitter ! On s’attache à de bien petites choses quand on les fréquente souvent et qu’elles ne nous font pas de mal ! C’est pourquoi André éprouvait une étrange sensation au moment de s’en séparer.

— Pauvre grabat ! Tu ne m’as pas été trop cruel après tout, dit-il en regardant son misérable petit lit caché sous une couverture de couleur douteuse. Que de fois j’ai couvert ma douleur de ta chaude laine, quand mon âme aussi bien que mon corps se sentaient glacés ! Et toi, petite table, adieu ! Petit tapis rouge qui a bu mes larmes, j’ai presque envie de t’embrasser en te quittant !

II

Il faisait froid par ce matin du huit novembre. André Lescault franchit le grand portique du pénitencier avant de s’engager sur les marches de granit qui descendent directement dans la rue.

L’énorme porte grinça sur ses lourds gonds. André s’arrêta comme troublé par un pénible souci. Oui, c’était le même grincement qu’il avait entendu trois ans auparavant quand il avait fran-