— Je le voudrais bien, mais comment pourrais-je accepter de bon gré cette honte qui me torture et qui me suit partout. Plus j’essaye d’oublier, plus j’y pense.
— Si tu ne peux pardonner, cesse de dire ton « Notre Père » ! dit Madame Lescault d’un ton autoritaire à son tour.
— Comment, moi ! cesser de dire mon « Notre Père » ? Ne sais-tu pas que je n’ai jamais manqué de le dire tous les jours depuis mon enfance ?
— Même depuis l’affaire ?…
— Mais oui, et pourquoi pas ?
— Ne vois-tu pas que tu te condamnes toi-même, quand tu dis : « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons » ?
— Tu ne voudrais toujours pas que je cesse de dire mon Pater ?
— Dieu m’en garde ! mais toi, prends garde qu’il te prenne au mot !
— Tu as peut-être raison ! J’y songerai.
— Tu ne te coucheras pas ici, pour la première fois, sans demander à Dieu ton pain quotidien ! Et comment peux-tu le lui demander sans dire ton Pater ?
Le vieux colon prit entre ses deux mains sa tête qui semblait vouloir éclater. Comment lui, l’inflexible, devait avouer sa faiblesse devant tous ses enfants ? Sa fuite de Verchères, c’était une faiblesse ! Son orgueil, mais c’était une autre faiblesse ! Pardonner ne serait qu’en ajouter une