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— Ce n’est pas là le moindre danger, quand ça devient une habitude ! Je viens justement d’avoir une discussion avec Monsieur Jennings à ce sujet.

— Ça me surprend qu’il l’ait tolérée, car il est d’une intransigeance quand on lui parle de cela. J’ai déjà essayé de lui faire des représentations et il m’a dit que si je n’étais pas satisfaite je n’avais qu’à m’en aller. Vous comprenez que je n’ai pas insisté ; je suis très bien payée ici, et puis…

— Malheureusement le dieu Argent s’infiltre sournoisement dans nos mœurs sans que nous nous en apercevions. Prenez comme exemple Monsieur Jennings. Est-il un homme plus charitable, plus sympathique ? et cependant il préfère le dieu Progrès au vrai Dieu. Il ne voit que le succès, signe du progrès, et le progrès, signe du succès. Où s’en va l’humanité avec de tels principes ?

— Il faut bien gagner sa vie !

— Hélas, oui ! Et j’espère qu’il n’arrivera rien de fâcheux à Monsieur Jennings à cause de ses idées avancées.

— Je lui ai déjà dit que je priais pour lui, et ça l’a amusé. Je prie pour lui quand même, car il est si bon !

— Je joindrai mes prières aux vôtres.

— À deux… on est bien plus fort, dit l’infirmière en rougissant.

— En effet, l’union fait la force, répondit André d’un air approbateur, comme l’union de deux cœurs fait le bonheur.