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l’avenir. Je cite en passant ces vers de Louis Veuillot que je connais par cœur :

LE TRAVAIL DU DIMANCHE

Riche, tu fais bâtir ta maison le dimanche !
Pour en jouir plus tôt, ta volonté retranche
À cinquante ouvriers et prière et loisir ;
En vain l’église s’ouvre, en vain Dieu les appelle :
Il faut tourner la grue et remuer la pelle ;
Tu le veux, il suffit : leur loi, c’est ton désir.

Si l’un d’eux, par hasard, soucieux de son âme,
Un chrétien méditant ce que sa foi réclame,
Laissant là le travail, s’en allait prier Dieu,
Tu lui dirais : « C’est bien ; mais quitte mon service.
« Tu veux servir ton Dieu, que ton Dieu te nourrisse :
« Moi, je t’ôte l’asile, et le pain et le feu. »

Ils doivent t’obéir jusque dans tes manies,
Et sans plus de façon tu les excommunies
Pour le moindre refus à ton moindre décret.
Puisque tu ne crois pas, aucun d’eux ne doit croire !
Pourtant, tu leur permets de jurer et de boire,
Et d’offrir le lundi leur paye au cabaret.

Mais le jour du Seigneur, il faut que, dès l’aurore,
On travaille, et le soir que l’on travaille encore :
Il faut que ce jour-là l’homme plus hébété,
Étalant sa misère et son ingratitude,
Par le bruit du travail, ce chant de servitude,
Insulte en plein soleil Dieu qui l’a racheté.