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— Peut-être, et pourquoi ?

— Savez-vous combien il y a de capital investi dans cette construction, la plus grande du genre jamais entreprise sur le globe terrestre ?

— Je l’ignore absolument !

— Savez-vous quel dommage causerait l’arrêt des travaux une seule journée ?

— Je l’ignore davantage ; mais je sais une chose : Quand Dieu créa l’Univers, y compris la chute de l’Isle Maligne, il travailla pendant six jours et le septième il se reposa, et pourtant la création de l’Univers valait bien un barrage. Je sais aussi que Dieu donna dix commandements à l’homme et que le troisième est celui-ci :

Tu observeras le jour du sabbat !

— Je vois que vous êtes moraliste ; mais aujourd’hui ces choses-là ne comptent guère : devant le progrès tout doit céder ! Le Dieu de Moïse a bien pu donner ce commandement, mais celui d’aujourd’hui n’est pas aussi exigeant.

— Il l’est plus, en autant que vous parlez du dieu Progrès, puisqu’il ne donne pas à l’homme le temps de se reposer.

— Suivez-moi bien, continua l’ingénieur : il va falloir six ans pour construire ce barrage. Comptez cinquante-deux dimanches par année : ça fait trois cent douze jours, juste une année de travail, sans les dimanches.