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troupeau humain conduit par des brutes à face humaine.

André tressaillit d’horreur à la vue de cet enfer vivant. Valait-il la peine de soupirer après la liberté, quand l’esclavage le guettait ? Il lui faudrait pourtant demander du travail puisque ses fonds étaient épuisés.

Attiré par ce gouffre dont il désirait connaître la profondeur, il s’engagea dans le long escalier de bois et descendit jusqu’au fond du précipice. Il s’approcha aussi près que possible du torrent impétueux qu’il avait à ses pieds. Une poussière de vapeur produite par l’eau qui frappait les rochers bordant la rivière retombait en pluie fine sur les travailleurs. La poussière de charbon mêlée à la poussière d’eau, collée sur les figures, donnaient l’aspect de nègres à cette ruche humaine.

Tout à coup une immense clameur partit de la foule des travailleurs et des spectateurs, qui venaient nombreux le dimanche, suivre les travaux en cours pour constater les progrès d’une semaine à l’autre.

— Un « Pollock » à l’eau ! cria-t-on du haut de la falaise.

Un ouvrier qui était sur le pont du chemin de fer ayant perdu l’équilibre était tombé dans le torrent.

— C’est un Polonais, disaient les uns.

— C’est un Scandinave, disaient les autres.

— C’est le numéro 44, cria le contremaître.