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— Nous irons à la messe à Varennes, si tu veux, ou encore à Boucherville, si tu préfères.

— Oui, pour faire face à l’oncle Jean, qui ne badine pas avec l’honnêteté, lui qui se cache pour prêter son argent afin que personne n’en ait connaissance ; si tu crois que ça me sourit ! Non, mille fois non ! J’aime mieux faire face à la musique à Verchères ; mais ajouta-t-il avec fermeté : Nous vendrons la ferme et nous partirons d’ici.

— C’est bien, mon vieux, nous partirons puisque tu l’exiges, mais pour l’amour du bon Dieu, pas pour les États !

— Pourquoi pas ? C’est grand les États, il y a de la place pour s’y cacher toute la famille.

— Et les garçons que tu as établis sur des terres, crois-tu qu’ils vont te suivre ? En fin de compte, ce n’est toujours pas de notre faute si le jeune a fauté, il n’avait que dix-neuf ans !

— À dix-neuf ans, j’étais marié, et je labourais la terre que nous allons quitter. Ce n’est pas notre faute, dis-tu ? Oui et non ! Nous ne l’avons peut-être pas voulu, si ; mais nous en sommes certainement la cause.

— Comment ça ! Ne l’avons-nous pas élevé comme les autres ?

— Non ! nous avons voulu en faire un petit Monsieur, et tu vois ! Les Lescault, c’est fait pour la terre ! Dix générations se sont penchées vers elle pour lui demander la subsistance et elle a répondu généreusement. Le premier qui lui tourne le dos, tourne mal ! Voilà l’erreur que nous avons