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V

TROIS ANS AUPARAVANT SUR LA FERME
DE LESCAULT

La belle maison de Pierre Lescault, à Verchères, n’avait plus l’apparence des jours heureux, où la famille entière, les soirs humides d’automne, réunie autour du grand foyer confectionné de pierres des champs, regardait brûler les longues bûches d’érable ou de merisier vert, ou même, par les grands froids d’hiver, autour du « poêle à deux ponts », écoutant le pétillement des bûches de bois sec, que le père Lescault renouvelait sans cesse à mesure qu’elles se consumaient.

Une atmosphère d’aisance régnait dans cette vieille maison de pierres grises. Sise sur une pointe avancée en bordure du grand fleuve, elle donnait une vue superbe de la rivière et des fermes environnantes.

La terre elle-même semblait morne et sans vie. Depuis que l’épreuve était venue frapper à la porte de cette famille patriarcale, on aurait dit que la tristesse de l’âme familiale s’était infiltrée dans le sol par sympathie pour le maître éprouvé.

Les voisins avaient fui la compagnie des Lescault, par une espèce de sympathie voisinant la gêne.

Avec quelle inquiétude avait-on attendu le retour du père à la ferme ! La figure collée aux petits