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— Je ne lui ôterai pas ses illusions. Elle s’est toujours cru belle, dit-il tout bas à André ; je ne la contredis pas, ça lui fait tant plaisir !

— Prenez-vous de la soupe aux pois, cria Madame Coulombe en s’approchant de la table ; elle est faite au lard. C’est la soupe favorite de Louis. Je ne sais pas si vous « allez l’aimer » ; mais lui, il ne faut pas lui parler d’autre soupe que la soupe aux pois. Il y a des fois que je viens « tannée » de toujours faire la même chose ; mais il aime tant ça ! Tiens, mon petit, si tu ne l’aimes pas tu la laisseras, Louis la mangera.

André, qui goûtait fort cette petite scène familiale, mangea avec appétit les mets plus ou moins savoureux de sa bonne hôtesse.

— Fumez-vous, jeune homme ? dit le bedeau en sortant de table.

— Non, Monsieur, je ne fume pas.

— Vous êtes parfait, alors ! Moi il y a deux choses dont je ne saurais me passer : ma femme et ma pipe ! mais entre nous, dit-il tout bas, j’aime encore mieux ma pipe ! Je fume depuis l’âge de dix ans.

— C’est pour ça que tu es resté « cotéreux ». Ça doit être un jeune homme sans défaut, dit-elle, en regardant André ; aussi quand il sera marié, au lieu de chercher toujours sa pipe il cherchera sa femme.

André baissa les yeux et ne répondit rien aux remarques de la vieille.