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XV

André n’était pas retourné à la messe au Bassin depuis le commencement de la grève. Il savait que ses parents avaient quitté Chicoutimi pour Verchères et qu’ils devaient être en pleine possession de leur ancienne ferme ; il voulut cependant revivre le moment de bonheur qu’il avait vécu en voyant sa mère et méditer sur ce passé qui semblait déjà si lointain.

Il se rendit pour la grand’messe et prit le même banc, dans je ne sais quel vain espoir, puis fit un retour sur lui-même. Quand reverrait-il sa mère ? Et son père ! Pourquoi cette terreur à sa seule vue ? N’avait-il pas bravé Monsieur Drassel, un homme puissant, et ne l’avait-il pas forcé à accepter ses vues ? Il était pourtant brave, même jusqu’à la témérité ; Il l’avait prouvé en sauvant Jack Brown. Agathe lui devait aussi la vie et, pourtant, il tremblait rien qu’à la pensée du regard de son père ! C’est que, dans ce regard, il y avait peut-être plus de douleur que de colère, car un père ne peut haïr son fils, fût-il criminel. Maintenant qu’il l’avait remboursé, il suffirait peut-être d’un mot pour qu’il le rappelle à lui. Ah ! revoir cette belle ferme de Verchères, s’asseoir à l’ombre des vieux chênes, humer l’air natal, jouir encore de ce bonheur de la vie de famille que rien ne peut remplacer, était son plus ardent désir.