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repos dominical. Quelques foyers manquaient de pain, et la faim, mauvaise conseillère, commençait à faire gronder les premiers atteints. Les bouchers de même que les épiciers refusaient d’avancer des vivres aux grévistes, car la rumeur s’était répandue que les usines seraient fermées définitivement, et même qu’elles seraient démolies. Seule l’autorité d’André tenait les grévistes en respect. Quelques-uns voulaient se rendre, pendant que d’autres l’accusaient d’être à la solde du patron pour les tromper et les endormir.

La position devenait intenable, quand un événement, malheureux en soi, mais heureux pour les grévistes, vint sauver la situation. La débâcle menaçait de causer des dégâts considérables aux usines. L’eau s’était aussi infiltrée, petit à petit, dans les turbines, et la gelée menaçait de tout faire sauter. André en profita pour faire une diversion et proposa aux ouvriers, afin de prouver leur bonne foi à leur patron, de lui offrir de faire les réparations d’urgence.

André se présenta à leur tête à la résidence de Monsieur Drassel, pour lui demander une entrevue. Le patron, qui avait recouvré sa bonne humeur, rentra en colère quand il apprit la démarche des ouvriers.

— Bandits ! Vauriens ! Ingrats ! Ah ! ils viennent demander grâce. Qu’ils attendent !

— Si tu ne les reçois pas, je les recevrai moi-même, dit Madame Drassel.

— Je vais les recevoir à ma façon, répondit-il. Faites-les passer dans mon cabinet de travail.