Page:Lallier - Le spectre menaçant, roman canadien, c1932.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 171 —

— Tu as peut-être raison, répondit son mari ; mais, vois-tu, j’ai toujours eu en horreur le travail à la journée. Quant à moi, j’irai défricher une terre plus au nord, là où il n’y a pas d’inondation à craindre.

Le lien qui attachait Pierre Lescault à la terre le faisait présumer de ses forces, car il était encore prêt, à son âge, à s’attaquer de nouveau à la forêt vierge.

VI

Les deux jeunes Lescault étaient à l’ouvrage depuis à peine deux semaines, que déjà des bruits de grève à propos du travail du dimanche commençaient à circuler.

— Voilà bien l’instabilité du mercenaire des villes, dit le père Lescault en entendant parler de ces rumeurs. Aujourd’hui, votre travail vous procure du pain que le chômage du lendemain dévore, et vous voilà aux portes de la faim. Ah ! si je n’étais pas usé par le travail — c’est vous qui le dites, mais je n’en conviens pas, — c’est encore vers la terre que je me pencherais pour lui demander ma subsistance ; mais à mon âge se lance-t-on à l’assaut de la forêt ? Ah ! si la force voulait seconder mon courage ! ajouta-t-il.

— Nous avons encore de bons bras, nous, reprit Joseph, vous pourrez toujours compter sur nous.