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vain le wagon-lit roula-t-il pesamment sur les rails d’acier, berçant doucement le grand industriel ; le sommeil ne venait pas. Il s’assoupissait un instant, pour s’éveiller dans un cauchemar. Plus il approchait de Chicoutimi, plus il se sentait impressionné par l’aventure d’Agathe.

— Qui sait si on ne m’apprendra pas sa mort à mon arrivée ? se disait-il.

Il était tellement hanté par cette idée noire, qu’il craignait même d’arriver à destination.

— Filez à toute vitesse, commanda-t-il au chauffeur, en sautant dans sa limousine.

Le chauffeur mit le commandement sévère de son maître au compte de l’énervement et le conduisit prudemment à sa résidence. C’est d’une main fébrile qu’il toucha le bouton de la sonnette, craignant qu’on lui cache un plus grand malheur.

Le portier, encore à moitié endormi, vint ouvrir et Monsieur Drassel franchit précipitamment le seuil de la porte.

— On n’est pas pressé ici, dit-il nerveusement. Il fila droit au grand escalier sans enlever ses habits et alla frapper à la porte de la chambre d’Agathe. L’infirmière vint lui ouvrir, mais il oublia de la saluer pour courir vers sa fille qui reposait encore. Il se pencha sur son lit et baisa tendrement ce front qu’il aurait bien pu ne plus revoir. Pour ne pas la déranger dans son sommeil, il retourna à reculons, sur la pointe des pieds, tout en s’informant de son état auprès de la garde-malade.