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malgré la lumière du jour, et le coq avait chanté son dernier cocorico.

Pierre Lescault s’habilla en toute hâte et, comme il descendait l’escalier, il constata que le premier plancher était submergé. Vite, cria-t-il, habillez-vous ! nous sommes en danger.

À l’aide d’un radeau, construit de planches arrachées à la maison, on put atteindre les bâtiments, pour constater qu’une partie des animaux étaient déjà noyés et qu’il était impossible de sauver les autres.

Pierre Lescault et ses fils retournèrent à la maison, la mort dans l’âme. Quoi ! l’inévitable était donc arrivé ? On avait noyé ses animaux, payés de ses deniers. On avait fait un lac de sa terre, défrichée au prix de tant de sacrifices ! C’est pour cela qu’il se couchait tous les soirs harassé de fatigue ? C’est pour cela qu’il avait construit ces beaux bâtiments de ferme, pour se voir dépossédé comme un proscrit, un criminel ? « Attendez, vous serez indemnisés », était maintenant sa seule planche de salut ; mais comment se cramponner à une épave qui ne tient qu’à une espérance aléatoire.

Devant la cuisante réalité, il fallait faire le suprême sacrifice : mourir à la terre aimée et quitter les lieux. Comment faire sans bateau, sans même un canot ? On se réfugia donc au deuxième étage en attendant du secours.

Vers la fin de la troisième journée, à la « brunante », on aperçut au loin la forme d’un bateau,