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pour sauver au moins leurs animaux, au cas où ils seraient obligés de quitter leurs fermes. Les terriens attachés à leur petit coin de terre, arrosée de leurs sueurs, pétrie de leurs mains, se cramponnaient à leur avoir avec cette conviction naïve que les hommes, quelque puissants qu’ils fussent, ne seraient pas assez méchants pour les chasser de leurs modestes foyers, acquis au prix de tant de sacrifices.

Ils avaient compté sans la cupidité de l’argent et le manque de sentiment humain des nouveaux maîtres de la région. Ni les délégations envoyées auprès des directeurs, ni les supplications des autorités municipales n’eurent l’heur d’une solution satisfaisante à leurs griefs. « Attendez ! vous serez dédommagés », leur répétait-on. C’était le seul espoir qui restait aux fermiers menacés, devenus des parias dans leur propre pays.

II

À attendre ainsi le malheur, on finit par le trouver. Rien d’humain ne semble pouvoir y remédier.

Un beau matin, on s’éveilla, à la ferme Lescault, au hennissement des chevaux dans l’écurie, pendant que de l’étable montaient des beuglements sinistres. La porcherie et le poulailler étaient inaccessibles. Les poules étaient restées juchées