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Le programme de Pierre Lescault s’était réalisé à la lettre. Son plan, tel que tracé pour la position des bâtiments, était maintenant un fait accompli. La belle rangée d’arbres bordant le chemin ornait un petit parc sans prétention, en face de la maison de ferme.

Cependant, malgré cette apparence extérieure de confort, la famille Lescault n’avait pas recouvré son bonheur d’autrefois. Transplantés dans un pays neuf, loin des parents et des amis, l’ennui ne les avait pas quittés. Madame Lescault avait vu sa chevelure blanchir dans l’espace de quinze jours, après le procès retentissant qui avait conduit son fils au bagne et elle portait sur sa figure la trace de la longue souffrance qui l’accablait encore.

— Si, au moins, il avait écrit après sa sortie du pénitencier, pensait-elle souvent au cours de ces longues nuits d’insomnie, qui la minaient tranquillement mais sûrement. Son père lui aurait déjà pardonné et il aurait été heureux de le bénir, s’il était venu se jeter à ses pieds. Peut-être, dans son for intérieur, n’attendait-il que ce mouvement de repentir de la part de son fils, pour dire comme le père de l’enfant prodigue : « Tuez le veau gras, car mon fils était perdu et je l’ai retrouvé ! »

Quatre jours de l’an s’étaient passés sans que cette marque de repentir se manifestât. Il était donc irrémédiablement perdu et leur douleur continuait toujours de s’associer à leur déshonneur.