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serions pas plus heureux avec moins que nous possédons.

— Sais-tu, maman, que l’usine et moi sommes sœurs jumelles ? répondit Agathe pour détourner la conversation dans le sens qu’elle désirait.

— Tu es folle ! Pourquoi dis-tu cela ?

— C’est que nous sommes nées la même année, presqu’à la même heure, et comme c’est demain notre anniversaire de naissance, il faudrait bien que nous nous voyions une journée d’avance pour préparer notre programme de fêtes.

— Tu parles comme une enfant et tu penses à te marier ! Nous irons, cette après-midi même, mais sur le désir de ton père, non pour satisfaire tes caprices.

Agathe était rayonnante de bonheur à la pensée que son stratagème avait réussi, se disant en elle-même : Ce que femme veut, Dieu le veut ! Elle verrait André, regarderait par-dessus son épaule ses chiffres bien alignés. Elle serait si près de lui, si près qu’elle frôlerait même son habit sans qu’il ne s’en doute. Elle lui dirait un mot aimable, le féliciterait sur la belle apparence de ses livres, l’ordre dans ses dossiers. Peut-être serait-il moins fermé en l’absence de son père et lui répondrait-il aimablement ? Elle alla s’asseoir sur la véranda pour finir seule et savourer à son aise ce rêve qui la remplissait déjà de bonheur, quand un serviteur vint la prévenir qu’on l’attendait pour le dîner.

À peine sortaient-elles de table que Madame Drassel était appelée au téléphone. Madame