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— Toute jeune fille y pense, maman, répondit Agathe, en rougissant. À moins de prendre le voile, je ne vois pas quel autre sort m’attend ! Tu n’aurais pas d’objection à un beau petit gendre ?

— Beau, c’est secondaire ; bon, ça compte ! il faudrait que ce fût un homme d’affaires, ajouta-t-elle, ton père y tient ! Quant à moi ? Tu sais, c’est dangereux pour une jeune fille fortunée, le mariage.

— Je partage les idées de papa, répondit Agathe avec assurance. Je veux pour mari un homme travaillant, qui fasse son chemin lui-même, en un mot un homme comme lui. Nous avons bien le droit d’aimer nous aussi, les filles de riches, mais je préférerais cent fois rester fille plutôt que de ne pas épouser l’homme de mon choix !

— Rien de plus naturel ! Quand nous nous sommes mariés ton père et moi, nous nous sommes mariés librement !

— Oui, mais vous n’étiez pas riches, alors !

— Au commencement non, et pourtant nous étions heureux ! Avec quel bonheur je suivais le progrès des affaires de mon mari ! Je me réjouissais de ses succès comme je prenais part à ses revers ; jusqu’à ce qu’enfin la richesse nous envahit presque malgré nous. Tout ce que ton père touchait se transformait en or et la fortune montait, montait toujours, pour atteindre le chiffre fabuleux qui lui donne tant d’inquiétudes aujourd’hui. Quand je le vois songeur comme hier avant son départ, je me demande si nous ne