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— Eh bien ! je continue, an risque de blesser la modestie de notre ami commun, puisque cela vous fait plaisir, Mademoiselle.

J’étais parti au commencement de mai, de Québec, pour faire de l’arpentage au compte du ministère des Terres et Forêts qui voulait connaître la nature du terrain, de même que l’étendue de bois résineux au nord du cinquante-cinquième degré de latitude. Partis de Québec en bateau, nous débarquions à Natashquan quatre jours plus tard, quatre aides-arpenteurs et moi. Là nous nous assurions les services de deux guides sauvages, répondant aux noms de Sawi-Sawa et Wei-Sawa ; deux frères renommés pour leur connaissance de cette région où se trouvait situé leur territoire de chasse. Nous étions munis de provisions pour quatre mois. Ayant acheté sur les lieux quatre canots d’écorce, nous partîmes sur la rivière Natashquan qui conduit à l’endroit que nous devions atteindre. Après avoir ramé pendant trois semaines, fait de nombreux portages, nous arrivions au terme de notre voyage.

Malencontreusement, nous avions perdu, au cours d’un portage, la trousse contenant les médicaments nécessaires au cours de ces sortes d’incursions dans les forêts lointaines du Nord.

— Mais vous n’aviez pas de médecin, interrompit Angéline, pour vous prescrire vos remèdes ?

— Non, continua l’arpenteur ; mais avec certaines connaissances rudimentaires de la médecine et les indications contenues dans un livre, nous trouvons presqu’infailliblement le bon remède quand un compagnon tombe malade ; mais, quand c’est le médecin improvisé qui succombe, le cas est plus dangereux.

Inutile de vous dire qu’à quatre cents milles dans les bois, nous sommes tous frères ; même le guide sauvage est de la famille, car ces gens sont très fiers et, si le chef de l’expédition témoignait moins d’égards à lui qu’aux blancs, on pourrait s’attendre aux pires conséquences ; soit qu’il cache vos provisions ou les détruise par le feu, après en avoir pris une bonne partie pour lui seul.