Page:Lallier - Angéline Guillou, 1930.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 98 —

L’arpenteur salua de nouveau Angéline et alla s’asseoir dans la chaloupe. Sa démarche et les traits imprimés sur sa figure indiquaient qu’il avait passé par de terribles angoisses au cours de sa maladie.

— Vous vous demandez sans doute la raison de ma présence sur l’avion du capitaine Vigneault ? dit l’arpenteur en portant sa main sur son côté droit et semblant réprimer une douleur interne.

— En effet, le capitaine ne m’a encore rien dit, et je brûle de tout savoir.

— Vous sentez-vous un peu remis ? interrompit Jacques en s’adressant à l’arpenteur.

— Je me sens beaucoup mieux, merci, et j’espère que la crise est passée.

— Pendant que je ramerai au rivage, Monsieur Marcheterre vous racontera lui-même comment je l’ai recueilli, dit Jacques en s’adressant à Angéline.

— Dites plutôt comment vous m’avez sauvé la vie, répliqua l’arpenteur ; car, sans votre secours, je n’avais qu’à attendre la mort au fond de la forêt avec mon guide sauvage, seul compagnon qui me restait et dont je commençais à saisir les mouvements d’impatience. Quand un sauvage commence à faire des reproches à son maître, il n’est pas prudent de prolonger sa nervosité, car on peut s’attendre aux pires conséquences ; mais puisque le capitaine désire que je vous raconte comment il m’a sauvé la vie…

— Je n’insiste pas, interrompit Jacques ; mais mon action n’est pas tout à fait un acte héroïque.

— Peut-être ? mais sauver la vie de son semblable est toujours quelque chose de méritoire, et il n’y a personne pour l’apprécier comme celui qui est le bénéficiaire d’un tel acte de charité.

— Continuez, dit anxieusement Angéline. Pour ma part je suis persuadée qu’il vous a sauvé la vie, car votre apparence dénote que vous vous ressentez de votre maladie, et que sans ce secours inattendu, vous seriez certainement resté au fond des bois avec votre sauvage.