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la santé de l’un ou de l’autre, quand il les rencontrait séparément.

Angéline, dont le deuil avait pris fin, reprit ses exercices de piano, ce qui ajoutait aux charmes du petit salon qui ne chôma plus et sur les meubles duquel les housses ne furent plus replacées.

Comme toute médaille a son revers, Angéline ne constata pas sans un amer regret que la petite garde-malade, avec qui elle s’était liée d’amitié, espaçait de plus en plus ses visites. Qu’allait-elle faire pour la réconcilier ? Faire des excuses ? Mais elle n’était pas responsable de ce qui arrivait. Lui céder Jacques par un excès de générosité ? Mais ce dernier avait eu l’avantage de rencontrer Antoinette, il l’avait même emmenée avec lui en aéroplane et, s’il n’avait pas su l’apprécier, ce n’était certainement pas de sa faute. Elle se dit qu’après tout, elle ne gâcherait pas son bonheur pour les autres, égoïsme bien permis chez une jeune fille qui aime bien sincèrement.

Elle pensait bien aussi au grand dérangement que son départ causerait dans la maison de son père, où elle s’était chargée du soin de sa famille ; mais le mariage n’aurait pas lieu immédiatement, et de plus son père n’avait pas posé de conditions ni fait d’objections aux assiduités de Jacques. Pouvait-elle conclure qu’il verrait ce mariage d’un bon œil ?

Pour mettre fin à ces inquiétudes, elle résolut d’en avoir le cœur net en ouvrant son cœur à Jacques à la première occasion ; ce qui ne tarda pas, car les deux amoureux se voyaient maintenant très souvent.

Un jour qu’ils revenaient de la messe basse, cheminant lentement à travers les allées tortueuses du village, Angéline paraissait songeuse et ne faisait que répondre brièvement aux questions de Jacques.

— Vous avez quelque chose ? dit-il s’arrêtant soudain en face d’Angéline et la regardant dans les yeux.

Pour toute réponse Angéline rougit comme une « pomme fameuse » sous un soleil de septembre.

— Ah ! mais les pommes sont mûres, dit Jacques, en riant.