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Depuis la réception dont Jacques avait été le héros, il s’était épris d’Angéline Guillou dont il admirait, en même temps que l’intelligence, les solides vertus. Chaque fois qu’il partait pour une envolée, il lui faisait le compliment de survoler deux ou trois fois sa demeure qui offrait un aspect de propreté attribué à son bon goût.

Le joli petit jardinet de fleurs qu’elle cultivait avec habileté donnait un air de vie à cette demeure autrefois si sombre et si peu attrayante, comme d’ailleurs toutes les autres habitations du bourg. La maison avait été de plus blanchie à la chaux, opération très peu coûteuse et qui donnait du relief à l’ensemble ; mais la fleur la plus exquise, comme se plaisait à répéter Jacques, était bien celle qui était à l’intérieur de la maison et sur laquelle les mortes saisons n’avaient aucune influence.

Jacques Vigneault n’était pourtant pas venu à la Rivière-au-Tonnerre avec l’intention de se lier d’amitié, car son métier hasardeux lui avait jusqu’ici interdit de laisser s’éprendre son cœur. Il y avait refoulé tout au fond maints sentiments qui auraient pu s’éveiller en lui, se disant qu’il ne devait pas songer au mariage, au moins pour le présent. C’est presqu’inconsciemment qu’il s’était engagé dans cette aventure amoureuse, dont l’issue pouvait contrecarrer ses idées bien arrêtées, mais est-on maître de son cœur ?

De son côté, Angéline n’avait ni prémédité, ni voulu ce qui arrivait. Le devoir qu’elle s’était imposé d’aider son vieux père à élever sa nombreuse famille, ne la prédisposait pas au mariage ; mais elle sentait son cœur pris par ce beau et jeune capitaine de vingt-cinq ans, à l’air martial et dont la conduite semblait irréprochable, envié de toutes les jeunes filles du village ; mais un fait indéniable existait : elle aimait Jacques éperdument. Comment, en effet, la sympathie qui existait entre ces deux êtres si bien faits pour se comprendre, pouvait-elle ne pas se développer en amour parfait ?

Jacques continua ses assiduités auprès d’Angéline et quand une fête se présentait qui donnait lieu à des réjouis-