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— Mon père m’a souvent parlé de vous, Monsieur Guillou.

— Oui, en effet, j’avions souvent cassé la croûte ensemble.

— Eh bien ! comme les temps sont changés, nous allons tâcher de casser autre chose si le temps peut se bien comporter !

Après les compliments d’usage, on se sépara et le curé pria le jeune aviateur de l’accompagner chez lui.

Le mystère qui semblait entourer cet événement extraordinaire, les paroles du curé en accueillant le jeune homme, la réponse de celui-ci indiquant qu’il était attendu, intriguaient vivement la population.

Jacques Vigneault qui était beau jeune homme avait immédiatement attiré, l’attention des jeunes filles. Il avait surtout pris l’œil d’Antoinette Dupuis.

— Voici le genre d’homme que j’aimerais pour époux, dit-elle.

— Tu as beau ! fais-lui de l’œil ! répondit Angéline, qui ne laissa pas percer ce qui s’était passé en elle quand, un instant auparavant, il donnait la main à son père. Sa sagesse lui interdisait de se prononcer ; mais ses sentiments intimes n’en étaient pas moins vifs. Antoinette Dupuis allait-elle devenir sa rivale, d’amies qu’elles étaient ? En tous cas, en ce qui la concernait, elle laisserait faire les événements. Le cœur du jeune homme était peut-être déjà pris et il ne fallait pas faire de faux pas, sachant que la prudence est encore la mère de la sûreté.


IV


Le capitaine Vigneault n’était pas tout à fait étranger à la Rivière-au-Tonnerre, pour y être né vingt-cinq ans auparavant ; mais personne ne reconnut dans le jeune homme le fils de Jacques Vigneault, père, ancien pêcheur de leur village.