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— C’est votre aînée, votre Angéline, qui vous revient pour toujours ! ne cessait-elle de répéter sans recevoir de réponse.

S’étant relevée, elle constata, oh ! stupeur profonde ! que sa mère chérie avait fermé les yeux pour toujours. L’anxiété au sujet de son aînée l’avait alitée, la joie trop intense de la revoir l’avait tuée.

Angéline sortit affolée de la chambre pour en avertir son père qui manda immédiatement le curé et la garde-malade du dispensaire, mais ils ne purent que constater la mort de cette pauvre femme. Le curé lui administra les derniers sacrements post-mortem et consola du mieux qu’il put la famille affligée.


XIV


Les morts subites ne sont pas très fréquentes sur la Côte et la croyance existe encore chez quelques-uns que, quand une famille est ainsi frappée, c’est une malédiction directe du bon Dieu. Aussi, pendant que la morte reposait en chapelle ardente, fallait-il voir l’air que prenaient les bonnes vieilles quand elles passaient devant la maison en se signant, ou, si elles entraient, les regards qu’elles jetaient sur le père Guillou et Angéline.

Un groupe de quatre bonnes commères s’acheminant lentement vers la demeure des Guillou attirait particulièrement l’attention. Une écharpe de laine sur la tête en plein été, les mains sur les hanches, elles tenaient une conversation animée.

— Tu sais, disait Catherine Mélanson, des malheurs de mort subite, ça n’arrivions pas pour rien.

— La Pierre Guillou étions pourtant une morue de bonne femme, répliqua Varsovie Sainfoin, mais j’aimions pas la nouvelle arrivée avec son petit air de reine, comme si elle étions pas la fille de Pierre Guillou comme les autres !