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les chaloupes soient prêtes à prendre la mer au premier commandement !

Le capitaine, homme de devoir et de prudence, ne laissait jamais rien au hasard.

Une seconde vague, plus forte que la première, vint balayer à la mer le reste des animaux, qui remplirent bientôt l’air de leurs cris différents, mais vite étouffés ; car la furie des flots eut tôt fait de les engloutir.

Les vagues se succédaient avec une rapidité déconcertante, et le petit bateau dont tantôt la proue, tantôt la poupe disparaissaient sous l’eau, semblait se tordre de douleur, tant le craquement qui se dégageait de son armature d’acier était sinistre. Le roulis, faisant place au tangage, avait mis en danse verres et bouteilles, de même que la vaisselle et les ustensiles de cuisine ; la cargaison dans la cale se déplaçait avec fracas, semant la peur parmi les passagers.

Le capitaine, sur le pont supérieur, ayant peine à se tenir debout, scrutait l’horizon au moyen de puissants réflecteurs par une nuit d’encre, sous un firmament éclairé seulement par le scintillement intermittent des éclairs qui déchiraient l’espace, suivis de terrifiants bruits de tonnerre.

Tout le monde à l’intérieur était glacé d’effroi. Le capitaine venu pour rassurer les passagers ne put s’empêcher de dire en passant, la mort dans l’âme :

— Il n’y a qu’un miracle qui peut nous sauver. Jamais de ma vie je n’ai vu pareil assaut de vagues !

L’eau passant par-dessus le seuil de la porte commençait à inonder la salle à manger. L’équipage, pourtant composé de marins éprouvés, perdait presque la tête. Le capitaine les avait jusque-là soutenus de son autorité ; mais pour la première fois s’avouait vaincu, ce qui jeta la consternation dans l’âme de ces pauvres désemparés.

Angéline Guillou qui connaissait la bravoure du capitaine ne fut pas lente à suivre son conseil déguisé. Elle s’était jusque là retirée dans un coin et priait avec toute l’ardeur de son âme.