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IX


Le bateau, qui avait été retardé par le déchargement de la marchandise et la marée, était déjà de quinze heures en retard. Il ne fallait donc pas songer à arriver à la Rivière-au-Tonnerre avant le lendemain matin ; de sorte qu’Angéline Guillou dut se résigner à passer une nuit supplémentaire à bord.

On s’arrêta à Moisie, Pigou, Rivière-Manitou, et Rivière-aux-Graines ne fut atteint qu’à la tombée de la nuit sur le Golfe.

L’obscurité était grande. De gros nuages menaçants se promenaient en tous sens ; un vent de nord-est glacé commençait à soulever les vagues. Le roulis du navire avait déjà causé du malaise aux estomacs délicats.

Angéline s’était peu prêtée à la conversation au cours de la journée, tout absorbée qu’elle était par la pensée de voir son arrivée retardée d’une journée par des causes incontrôlables. Elle se retira de bonne heure à sa cabine, se sentant un peu atteinte du mal de mer.

Elle allait se mettre au lit, quand elle entendit au dehors, un bruit sinistre, suivi de beuglements effrayants. Elle se transporta sur le pont où elle trouva un grand nombre de passagers qui, eux aussi, inquiets de ce bruit inusité étaient sortis précipitamment de leurs cabines. La tempête redoutée du capitaine avait fait son entrée d’une manière tragique. Une vague énorme avait balayé à la mer une partie des animaux attachés sur le pont.

Le capitaine, qui se tenait sur la passerelle, délégua son second officier avec l’ordre suivant :

— Qu’on ferme les hublots ! Que les toiles sur les têtes de puits soient bien ficelées ! Les passagers passeront dans la salle à manger, ou bien se retireront dans leurs cabines ! Personne, sur le pont, hors les hommes de l’équipage ! Quant à ceux-ci : chacun à son poste ! Que