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wwwwwwwwwwwwwww Les goélands ont des ailes, wwwwwwwwwwwwwww
Ont des ailes…
Les goélettes aussi.


Au début du voyage, elle comptait les jours ; maintenant, elle compte les heures : demain, elle comptera les minutes aux aiguilles de l’horloge qui semblent bien lentes à se mouvoir, sur un bateau qui n’avance plus. La veille, sur le grand fleuve, avant que celui-ci ne commence à s’élargir pour prendre des proportions de mer intérieure, les villages qui se perdaient de vue l’un après l’autre étaient témoins que le bateau avançait ; mais aujourd’hui, ce sont toutes des montagnes qui se ressemblent, qui se suivent, s’enchaînent et se renouvellent continuellement. Elle n’était pourtant qu’à la moitié du chemin ; mais le capitaine lui avait assuré qu’elle serait chez elle vers les quatre heures. Sa parole suffit à modérer son impatience.

Elle donna libre cours à son imagination sensitive. Allait-elle dormir au cours de sa dernière nuit sur le bateau, ou la joie intense qu’elle ressentait lui causerait-elle de l’insomnie comme la nuit précédente ?… Comment serait-elle accueillie au village ?… Son éducation supérieure serait-elle appréciée par ses anciennes compagnes, ou la jalousie, mauvaise conseillère, lui créerait-elle des ennuis ?… Toutes ces pensées qui passaient l’une après l’autre dans son esprit se reflétaient sur sa figure. Certaine, cependant, de l’affection de ses parents et de ses frères et sœurs, elle se consolait à l’avance des déboires qu’elle pourrait essuyer. En tout cas, la Providence veillerait sur elle.

Le capitaine, malgré ses occupations, ne perdait pas de vue sa protégée.

— Ça va toujours, la petite ? Mais on a l’air toute contrariée ? Aurait-on envie de rebrousser chemin vers Sillery ?

— Ah ! non, par exemple ; et pour quelle raison me demandez-vous cela, Monsieur le Capitaine ?