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l’empêchait d’en parler au curé, qui, lui, voyait grandir son œuvre et attendait que le fruit fût mûr pour le cueillir.

Un jour qu’il visitait le dispensaire, au cours de ses très rares sorties, il dit à brûle-pourpoint à Angéline :

— Mère directrice, je vous salue et vous apporte la bénédiction de Monseigneur, pour votre œuvre.

L’émotion fit monter le rouge au front d’Angéline et elle répondit bien humblement :

— Je suis bien reconnaissante à Monseigneur pour sa bienveillance ; mais je me demande en quoi j’ai pu mériter cette faveur. Je vous prie de reporter le mérite de notre couvre sur mes compagnes, sans lesquelles j’aurais été bien impuissante à faire tant de bien.

— Ce n’est pas tout, dit le bon curé, qui pleurait de joie, en lui annonçant cette nouvelle ; Monseigneur veut bien, si vous y consentez, demander l’autorisation à Rome de vous ériger en communauté régulière.

— Nous sommes pourtant bien indignes d’une telle marque de confiance, ne put que balbutier Angéline.

— Et sous quelle protection mettrons-nous votre communauté, Révérende Mère ?

— Que Notre-Dame de la Garde nous protège ! si telle est la volonté du bon Dieu.

— Vous tombez absolument d’accord avec Monseigneur, qui a bien voulu m’en parler encore hier ; ce qui prouve le côté providentiel de la chose. Si la réponse de Rome à la demande du Vicaire Apostolique est favorable, il a bien voulu fixer la cérémonie de l’investiture au 15 août, fête de l’Assomption, et, par surcroît, fête des Acadiens. C’est un hommage que nous devons à la Reine du Ciel pour les faveurs insignes qu’elle a toujours prodiguées à ce petit peuple béni, vers lequel la Providence m’a dirigé pour y laisser le meilleur de ma vie et de mon cœur.

— Je vous demande encore quelques jours de réflexion et de prières avec mes Sœurs, Monsieur le Curé. Quant à moi, je donne ma vie et ma fortune pour le soulagement de la misère dans ce cher pays que je n’aurai plus désormais à quitter !