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Parce que je l’aimais et que je ne voulais pas le contrarier.

— Comme ça, c’est bien fort l’amour ? Et, quand tu dis que tu m’aimes, c’est comme pour Jacques ?

— Je t’aime beaucoup, ma petite sœur chérie ; mais il ne faut pas toujours comparer les choses. Donne-moi un baiser et sois tranquille.

— Pauvre grande sœur, répliqua Agathe en s’éloignant, je vais aller prier le petit Jésus pour elle.

En effet, se disait-elle souvent à elle-même : j’aurais bien dû insister davantage, quand un pressentiment me disait qu’un malheur l’attendait. Jacques qui l’aimait sincèrement ne lui aurait pas refusé cette faveur : l’enthousiasme de son fiancé lui avait cependant interdit cette hardiesse. Elle s’était résignée sans rien dire, et déjà elle commençait à gravir ce calvaire qui la conduirait peut-être au tombeau.


VI


Le curé, voyant les progrès rapides que faisait la maladie d’Angéline, fit mander son père au presbytère, pour l’avertir de la gravité de la situation.

— Ça me fait beaucoup de peine, mon cher Pierre, lui dit le curé familièrement ; mais ta fille est bien malade !

— Je le sais, Monsieur le Curé ; mais que voulez-vous que j’y fasse ? Il me semble que je ne suis pas né pour la chance. J’ai peiné pendant des années pour amasser une modeste aisance et laisser ma femme à l’abri de la misère, et voilà que c’est elle qui part la première.

— Preuve que ce n’est pas l’argent qui fait le bonheur, Pierre.

— Vous avez raison, Monsieur le Curé ; notre cave est remplie d’or, et où est le bonheur ? Ma fille s’en va, comme vous dites, et que me réserve l’avenir ? J’avais pourtant fait bien des sacrifices pour son instruction et voilà que cette instruction lui procure toute cette peine.