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pas très grande depuis que la disette de la morue a contraint ceux-ci à envahir leur territoire de chasse.

— Il ne faut pas les blâmer, Monsieur le Curé, car c’était bien à eux ce pays avant que la persécution ait obligé les Acadiens à se réfugier ici, pour y faire la pêche.

— En effet, ma fille ; mais ils sont si grands enfants ? je crains même que, si vous leur offrez une récompense, ils ne vous rapportent des histoires fantaisistes, soit pour la satisfaction de vous faire plaisir ou pour avoir votre or.

— Mais, nous exigerons des preuves ! Leurs histoires ne serviraient-elles qu’à raviver mon courage, j’en serais encore heureuse ; car si vous saviez comme il en faut peu à une âme brisée comme la mienne, pour lui donner un nouveau souffle de vie. Tenez, à chaque fois que les patrouilles reviennent, j’ai toujours un rayon d’espoir et cela me fait du bien et me donne le courage de continuer mes recherches.

— Je vous comprends, mon enfant, et je partage votre douleur. Vous auriez bien été la digne épouse du brave capitaine disparu. Ah ! à propos ? c’est demain, le 23, que vous deviez vous marier ?

— Oui, Monsieur le Curé, et le sublime sacrifice s’offre à la place du bonheur suprême auquel j’aspirais.

Votre âme de chrétienne, Angéline, triomphera de cette épreuve ; mettez encore une fois votre confiance en Notre-Dame de la Garde !

— Je l’ai assez priée, mon Père, pour en avoir épuisé tout mon vocabulaire, et je ne lui demanderai qu’une chose : qu’elle soit Notre-Dame de la Recouvrance.

— Dieu vous garde ! lui dit le bon curé en prenant congé d’elle.

Angéline sortit du presbytère plus résignée et, après une visite au petit sanctuaire blanc qui aurait dû le lendemain ouvrir ses portes pour son mariage avec Jacques, elle alla rendre visite à Antoinette Dupuis qui, à son tour essaya de la consoler de son mieux.