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à la queue des premiers, portaient les fardeaux ; le baron fermait la marche, monté sur un superbe cheval blanc.

Les guides mexicains devaient les conduire dans un endroit où, disaient-ils, le bison abondait. Comme ils étaient supposés bien connaître le pays, on leur donna carte blanche. Mon grand-père eut bien des doutes sur leurs assertions et manifesta ses craintes au baron ; mais lui, homme bon et honnête, crut à l’honnêteté des Mexicains et pria mon grand-père de leur témoigner sa confiance ; ajoutant que, si on se montrait bon pour eux, ils ne manqueraient pas de leur en témoigner de la gratitude.

On marchait toute la journée, et le soir on montait les tentes pour se mettre à l’abri et se reposer. Les gardes plantaient des piquets auxquels ils attachaient les chevaux après les avoir soulagés de leur fardeau. On repartait le lendemain pour toujours se diriger dans la direction de l’ouest. Mon grand-père aurait bien voulu obliquer plus au nord ; mais les Mexicains prétendaient qu’ils s’acheminaient dans la bonne direction. Le baron ordonna de suivre la voie des Mexicains.

Ils étaient au dixième jour de cette marche forcée que leur faisaient faire les Mexicains, et ils ne voyaient pas encore de bisons. Ils campèrent comme d’habitude ; mais mon grand-père devenait nerveux. Comme le baron était bien fatigué, il s’endormit profondément. Mon grand-père, cependant, ne dormait que d’un œil, écoutant le baron qui ronflait comme un tuyau d’orgue dans la tente voisine. Vers les trois heures du matin, il crut entendre à travers le ronflement du baron, le pas des chevaux qui s’éloignaient ; prêtant l’oreille il entendit le hennissement de son propre cheval dans le lointain. Il sortit précipitamment de sa tente sans s’habiller et vit à travers la demi-obscurité de la nuit, les bandits mexicains qui dévalaient dans la prairie à une vitesse vertigineuse. Il réveilla immédiatement le baron, qui crut d’abord être victime d’un cauchemar ; mais il dut bientôt se rendre à l’évidence qu’ils s’étaient fait jouer de la belle façon.