Page:Lallier - Angéline Guillou, 1930.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 120 —

— Est-ce ainsi que vous avez perdu vos cheveux, père Comeau ? dit le petit Thomas en se tenant les mains sur la figure.

Le vieux conteur ne fit pas voir qu’il avait entendu, car il n’aimait pas qu’on lui parlât de son système capillaire. Il marmotta quelques mots que personne ne comprit.

— Quand nous raconterez-vous l’histoire du Bonnet carré ? demanda Thomas.

— Après-demain soir. Ce soir je vous raconterai l’histoire de Josette Sinotte ; elle est moins longue et je suis pas mal fatigué ; c’est pas beau comme : Rendez-moi mon Bonnet carré, qui a été raconté par Philippe-Aubert de Gaspé, descendant d’une famille de nobles canadiens qui avaient échappé comme par miracle au massacre des Anglais quand ils s’emparèrent du Canada, ou plutôt quand le Pompadour vendit le Canada aux Anglais, comme on dit là-bas. J’dis pas ça pour dire du mal des Anglais ! Ils nous traitent assez bien quand on a assez de « jarnigoine » (énergie), pour se défendre. Ah ! si on avait seulement eu des fusils en Acadie, le grand dérangement n’aurait pas eu lieu ! mais… l’histoire de la belle Évangéline n’aurait pas été écrite non plus et vous savez, c’est toujours la plus belle de mes histoires.

— Oui ! oui ! firent tous les enfants, frappant des mains en signe d’approbation.

Après souper, quand le père Comeau eut puisé dans le sac à tabac en peau de marsouin de son hôte, il se mit en train de raconter l’histoire de Josette Sinotte. Il tira trois bonnes touches de sa pipe d’argile, lançant la fumée en l’air comme une cheminée d’usine, puis, mettant bien d’aplomb ses coudes sur ses genoux, il commença son récit.


HISTOIRE DE JOSETTE SINOTTE


— Il y « àvé une foa » dans les paroisses d’en-haut, bien plus haut que Québec, non loin de la grande ville de Montréal : ville si grande que toute la population de la