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gligées pour la politique, étaient dans un état inextricable. La cour et les avocats eurent tôt fait de tout engloutir. On me fit la charité de me laisser une partie de mon ménage. Mais je ne savais où le placer, car je n’avais pas de logement et l’argent me manquait pour en prendre un.

Un frère de mon mari me recueillit chez lui, mais je ne pouvais rester à sa charge indéfiniment. À force de démarches, je réussis à décrocher un emploi de buraliste à la douane, ce qui me permit de vivre, sinon largement, du moins honorablement. Aux dernières élections, le gouvernement fut battu. Sous prétexte que j’étais la veuve d’un ancien député du parti opposé, le nouveau ministère me congédia. Les faibles économies qu’à force de calculs et de privations j’avais pu amasser furent bientôt épuisées. C’est alors que je pris le parti de revenir à Port-Joli, comptant pouvoir me tirer d’affaires en faisant de la couture. J’ai toujours été adroite pour coudre, et, même dans les années d’abondance, je confectionnais moi-même mes robes. Une fois mon billet de chemin de fer et celui des enfants payés, il ne me restait que cinquante sous dans mon portefeuille. C’est avec cet argent que j’ai acheté la farine qui est dans la huche.

Tu jugeras toi-même en quel état d’âme j’étais quand je t’ai rencontré ce matin. Et,