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ou imprudente ou téméraire. Ton journal, accompagné de lettres toutes plus charmantes les unes que les autres, que tu m’adressais à chaque escale du bateau, augmentait mon amour pour toi. Quel bonheur, mêlé de crainte, m’envahit, quand je reçus ton câblogramme, m’annonçant le débarquement de ton régiment à Capetown. Je m’étais imaginé te voir en face du danger, peut-être de la mort. J’aurais voulu te câbler : reviens au Canada ! Pourquoi te faire percer la peau pour les Anglais, tandis qu’ici mon amour t’attend ? Ce n’était pas le Canada qui était en guerre ! et cette guerre ne pouvait être faite que dans un but de conquête ! C’étaient les mines d’or et de diamants que convoitaient les Anglais. J’avais encore frais à la mémoire le récit des incendies commandés par eux, le long du Saint-Laurent, lors de la conquête du Canada. La maison de notre grand-père n’avait pas échappé au désastre. Seule la vieille église avait été épargnée, n’ayant pas voulu donner prise à la torche incendiaire que la soldatesque, ivre de carnage, avait jetée sur son toit de bardeaux de bois. Quelle affaire avait un Canadien-Français à aller répéter là-bas ces exploits sanguinaires et incendiaires dont l’histoire coloniale d’Albion est remplie ? Toutes ses conquêtes ont été marquées par l’emploi de ces méthodes barbares que ne peuvent s’empêcher de réprouver tous les gens de cœur.