Page:Lallier - Allie, 1936.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 44 –

sont si vite oubliés que ta sympathie tardive me donne presque l’illusion que sa mort ne date que d’hier.

— Et tu habites seule sa maison ?

— Avec mes enfants. Si tu viens m’y voir, tu trouveras les choses comme autrefois. La vieille horloge, qu’on a baptisée aujourd’hui du nom d’horloge « grand-père », et que dans notre temps nous appelions tout simplement l’horloge, est restée dans le même coin. La corbeille de maman est toujours à la même place, à côté du secrétaire de papa. De son vivant, elle travaillait toujours près de lui, pendant qu’il dépouillait son courrier ou écrivait ses lettres ; après sa mort, elle a continué à travailler sous son ombre. De temps en temps, elle levait la vue sur sa photographie, puis elle se remettait à coudre ou à tricoter, la figure songeuse, comme si elle avait échangé avec lui des pensées muettes. Comme ils s’aimaient ces bons vieux ! Maman, de douze ans plus jeune que papa, lui a survécu un nombre égal d’années. Elle est restée fidèle à son souvenir. Cette union, consommée dans l’amour le plus sincère, s’est maintenue par l’amour. Quand on aime le jour de son mariage, on aime pour la vie.

Elle me dit ces paroles, comme j’allais la quitter, en face de sa maison paternelle, près du seuil qu’elle allait franchir.