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à leur intention, et je continuai mon chemin vers le quai, que je me mis à arpenter de long en large. Tout à coup, j’aperçus, sur la grève, la mince silhouette d’une femme habillée de noir, qui semblait s’y promener. Elle s’arrêtait de temps en temps, regardait dans toutes les directions, se baissait pour ramasser quelque chose qu’elle examinait et qu’elle rejetait nonchalamment ou plaçait dans un panier. Je m’arrêtai, car cela m’amusait de la regarder faire. S’étant aperçue que je l’observais, elle tourna la tête et s’éloigna.

— C’est sans doute une étrangère, me dis-je. Les femmes de Port-Joli ne vont pas de si bon matin cueillir des coquilles !

Je m’assis sur un des poteaux d’amarrage et fis semblant de ne plus l’observer. Je vis qu’elle portait un élégant costume noir et que sa jupe retombait sur ses mollets, contrairement à la mode écourtée du temps, alors que la jupe élégante faillit disparaître dans une marée montante qui, pendant un certain temps, entraîna avec elle l’élégance féminine. Un chapeau, noir également, complétait sa toilette.

Il lui fallait passer par le quai pour regagner le village. Je décidai de l’attendre. Était-ce une curiosité instinctive qui m’incitait à l’épier d’une manière si indiscrète ? Je n’avais pourtant pas l’habitude de reluquer les femmes ; mais celle-ci, sans que je m’en rendisse compte,