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dernier manoir seigneurial. Le curé avait voulu respecter le souvenir de cette famille illustre, dernier vestige de la noblesse française restée au pays après la conquête. Sur le maître autel, comme sur les autels latéraux, c’étaient les mêmes chandeliers en bois sculpté. Et c’était le même Dieu, dans le même tabernacle, que lorsque, petit garçon, je servais la messe des bons curés, dont l’un déjà n’était plus de ce monde. Je m’agenouillai sur un des prie-Dieu, près de la balustrade.

— Tiens ! me dis-je, c’est pour un mariage !

En effet, l’apparat déployé m’indiquait qu’un mariage devait se célébrer ce matin-là. C’étaient les mêmes tapis, les mêmes fauteuils de velours qu’autrefois. Jusqu’aux fleurs artificielles, cependant vieillies, qui étaient les mêmes !

Tout n’était donc pas changé et modernisé à Port-Joli ! Quels souvenirs et quelles émotions m’étreignirent quand, après une prière fervente quoique distraite, je sortis de la vieille église de mon enfance.

— Je viendrai à la messe basse, me dis-je.

Je continuai ma marche vers le quai. En passant près du vieux cimetière, le souvenir de mes parents qui y reposaient me hanta. Où trouver le lieu de leur sépulture, dans ce dédale de fosses communes où ils devaient être enterrés ? Je dus me contenter de m’agenouiller devant le calvaire, pour réciter un De profundis