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avec eux le doux arôme du trèfle sur lequel butinaient déjà des milliers d’abeilles. Je me levai aussitôt et m’approchai de la fenêtre. Comme une sentinelle montant la garde, je regardai l’astre s’avancer lentement dans le firmament. Lui aussi était bien resté le même, quoique plus ardent qu’au jour de Pâques, lorsque ma mère nous éveillait pour le voir danser. Dans notre naïveté d’enfants, nous le regardions si longtemps qu’en effet notre vue fatiguée lui donnait l’allure d’une marionnette. Nous restions bien convaincus que ce phénomène ne se produisait que le jour de Pâques. Papa, qui était sorti de bonne heure pour aller puiser l’eau de Pâques avant le lever de l’astre-roi, rentrait alors, tout joyeux de posséder cette eau qui avait la même valeur que l’eau bénite, à part ses multiples qualités curatives. L’odeur du jambon et des œufs, déjeuner traditionnel de Pâques, aiguisait déjà notre appétit, réprimé pendant les jeûnes de la semaine sainte.

Pourquoi ces douces illusions de l’enfance ne durent-elles pas toujours ? Heureux sommes-nous, tout de même, d’en conserver au moins le souvenir.

Je résolus d’aller humer l’air frais du matin. Le nord-est de la veille avait fait place à un doux zéphyr venant de l’ouest. La mer, devenue calme, reflétait le globe étincelant de l’astre lumineux dans le lointain, tout près des