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plus, et je me mis à lire les annonces. Je me consolerai, me dis-je, en reprenant contact avec l’esprit si français du vieux Québec. Or, voici ce qui me tomba sous les yeux : « Rock City Preserving Co. », « Quebec Tobacco Co. », « Red Bird Café ». Les Anglais avaient-ils donc reconquis Québec une deuxième fois ? Je lus un peu plus loin : « Achetez chez les vôtres ; la pharmacie X…, la plus achalandée de la ville. » J’examinai la gravure représentant la façade de l’édifice et je lus sur une enseigne lumineuse : Drugs. Peut-être que l’autre côté de l’enseigne est en français, me dis-je, pour me consoler moi-même ; c’est peut-être comme à Paris, où on se fait maintenant servir du cake avec un cocktail ; où on fréquente le dancing hall ou le skating rink ; où une amie vous invite à un five o’clock. Dussiez-vous faire beaucoup de footing pour vous rendre à sa demande, vous ne refuserez pas de répondre à une invitation aussi pittoresque. Mais c’était à Québec, où l’on s’était si héroïquement battu pour la conservation de notre langue, que l’on s’anglicisait ainsi ! Alors ?… Cette persécution des nôtres dans l’Ontario n’était-elle pas la conséquence logique de la transformation québécoise ?

Je laissai là ces réflexions qui me faisaient mal. Je prêtai l’oreille aux bruits de la mer. Celle-là n’avait pas changé. C’était bien toujours le même roulement des vagues, tantôt mu-