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XXXV


Ce fut un congé marqué au coin de la plus stricte intimité que ma visite chez mon oncle Philippe. Il y a des moments où il fait bon d’oublier qu’on existe ! Comme cela repose des vicissitudes ordinaires de la vie ! Au domaine des de Gaspé, le faste et l’activité débordante d’autrefois avaient fait place à la vie pastorale dans toute l’acception du mot.

Mon oncle ressemblait beaucoup à mon père. Le travail des champs lui avait donné une allure plus lourde, mais l’air de famille avait laissé son empreinte. Le cœur, surtout, était resté bien français ; et, à part quelques anglicismes familiers aux cultivateurs canadiens, employés surtout pour désigner les machines aratoires, fournies par des maisons anglaises, cataloguées, illustrées et décrites en anglais, il avait conservé cette suave tournure de phrases du terroir canadien, si agréables à entendre.

— Nous visitons votre bien ? dis-je à mon oncle.

— Si ça te contrarie pas ! J’serais bien aise de t’montrer ça. Ça n’t’engage à rien !

— Vous ne revenez pas sur votre parole, mon oncle ?

— « Badame », elle n’est pas encore tout à fait donnée ! Avec ça que t’as pas mal dépensé