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j’avais promis mon cœur et qui devait me garder le sien, mais qui, me croyant mort à la guerre, en avait épousé un autre. Peut-être était-elle quelque part sur la plage, au bras d’un époux qui devait adorer sans doute l’admirable femme qu’elle était et qu’elle avait dû rester. Je la cherchai du regard parmi les nombreux couples qui prenaient leurs ébats. Je n’aperçus pas cette silhouette élégante qui aurait pu me faire deviner sa présence. D’ailleurs, je craignais presque de la rencontrer. Je me bornai donc à faire des comparaisons entre les femmes de mon temps et ces faisanes faisandées qui ne parlent que de chiens ou cette beauté plastique à la remorque d’un vieillard.

Je me dirigeai vers un couple plus jeune. Deux pimpantes demoiselles tenaient une conversation animée. La première, qui semblait plus légère, grillait nerveusement une cigarette ; l’autre, à l’air plus serein, appuyait sa main sur une canne. Une infirme ! me dis-je ; mais, en tout cas, très bien, sérieuse peut-être à cause de son infirmité. Il y a parfois de si belles âmes dans des corps informes ! Je pris l’attitude d’un rêveur et tournai mon regard vers le lointain horizon qui se prolongeait au nord. Le soleil, d’un rouge pourpre, à moitié caché derrière un nuage teinté d’or superposé d’un gros nuage sombre, inondait les montagnes de la côte nord d’un feu éblouissant qu’un voile d’une