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cette femme bonne et compatissante. À son âge, on se penche si tendrement sur un berceau, surtout quand on se sent survivre dans ces petits êtres chéris qui, demain, prendront la place que nous aurons laissée vide ! Je me disais : après tout, sous des dehors mondains bat souvent le tendre cœur d’une mère ; et un cœur de grand’mère n’est-il pas deux fois tendre ? Or, voilà que je m’étais apitoyé sur le sort d’un caniche !

Vingt années de prospérité et de progrès avaient donc, depuis mon départ, ainsi métamorphosé mon pays ! J’avais pourtant connu, autrefois, des Canadiennes à l’âme haute et fière. J’avais grandi sous la tutelle de l’une d’elles : cette femme au cœur d’or que fut ma mère. Je l’ai vue souvent penchée sur le lit de ses petits, pendant les longues absences de mon père. Combien de fois ne m’est-il pas arrivé de la surprendre encore tout habillée, à quatre heures du matin, veillant un bambin malade qui dormait la tête penchée sur sa poitrine et trouvait, sur le sein maternel, ce baume qui, seul, parfois, suffit à soulager les maladies des enfants. Je sens encore dans mes narines le parfum de sa douce haleine, lorsque, me penchant sur elle avant mon départ, elle déposa sur mon front un baiser d’adieu.

Je me rappelais aussi l’amie d’enfance que j’avais quittée depuis vingt ans déjà, à qui