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Munis chacun d’un solide bâton, nous entreprîmes cette randonnée de vingt milles, non comme des soldats en mal de conquête, mais comme les rois, au temps où ils épousaient des bergères, les reins ceints et le bâton à la main. Cécilia était d’une beauté si ravissante que, même dans ce costume négligé, elle aurait pu tenter un roi !

Nous cheminâmes d’abord à pas lents, en humant l’air vivifiant du matin. Cécilia portait, jetée sur ses britches, une jupe courte, qui lui seyait bien. À cette époque, les femmes ne s’étaient pas encore assez masculinisées pour porter le travesti. Un simple veston de laine blanche couvrait son torse d’athlète, qui conservait, malgré son développement musculaire, une grâce toute féminine. Ses jarrets de montagnarde entraînée lui donnaient l’avantage sur moi. Aussi, malgré qu’elle portât toute la charge, je dus souvent lui demander grâce, ne pouvant accorder mon pas à la cadence du sien.

Sous des dehors pourtant bien féminins, c’étaient des muscles d’homme qui animaient cette charpente adorable de femme. Pourquoi n’avais-je pas deviné que ce ne pouvait être qu’un cœur d’homme qui commandait à ces muscles d’acier ? On ne métamorphose pas physiquement une femme en homme, sans que la sensibilité, la douceur, la sympathie, la candeur féminine n’en soient atteintes !