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Je pris mon souper en compagnie de M. et Mme  Latour, qui ne cessaient de me complimenter sur la teneur de mon discours. Cette vaine gloriole était maintenant pour moi chose du passé et j’aurais aimé mieux n’en plus entendre parler. J’avais fait mon devoir, mais j’osais à peine en espérer des conséquences heureuses. Ce que j’avais dit, je l’avais dit dans l’intérêt de ma race et pour la sauvegarde de ma langue, qui me semblait si menacée et qu’il fallait conserver coûte que coûte.

Je m’échappai à la première occasion, pour voler vers Allie. Malgré mon grand désir de la revoir, j’éprouvais je ne sais quelle crainte intérieure et je sentais toujours mon cœur se serrer à l’approche de sa demeure.

Je la trouvai assise sur sa véranda. M’ayant aperçu, elle vint au-devant de moi. Ma timidité passagère fut vaincue du coup par son sourire accueillant. De sa voix d’or elle me dit :

— Tu as eu un franc succès au banquet du premier ministre.

— Que Dieu le veuille ! Si je puis avoir été utile aux miens ! Je n’ai pas été trop violent ?

— Pas assez doux pour « posséder la terre », au sens des Béatitudes, mais assez élevé pour nous transporter sur les sommets. Il faut parfois faire violence au ciel pour obtenir ce que l’on désire. Si tu as réussi à jeter à bas l’autel