Page:Lallier - Allie, 1936.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 160 –

cet intervalle qui sépare la vie d’ici-bas d’avec la félicité céleste, un bonheur auquel je n’avais jamais goûté. Je me confessai donc dans les meilleurs sentiments de piété.

— Vous ne cachez rien ? me dit mon confesseur, qui avait l’air bien convaincu que je voulais jouer mon dernier atout par une mauvaise confession. Et, me quittant précipitamment, il me promit de m’apporter la communion à cinq heures.

Je m’étendis sur mon grabat, tout habillé. Je fermai en vain mes paupières. Le sommeil ne venait pas. Le geôlier qui montait la garde vint m’offrir un narcotique que je refusai. Si je n’avais plus que cette nuit à passer sur la terre, mieux valait garder toute ma lucidité. On dit que les agonisants retrouvent, dans le coma, une lucidité d’esprit parfaite. J’eus, je crois, ce privilège. Toute ma vie se déroula devant mes yeux, sans que le moindre détail fût omis. Je me revis dans cette vieille maison, jouant avec Henri et toi, sous la surveillance de ta mère. Instinctivement, je cachai ma figure dans mes mains à la pensée que tu apprendrais un jour que j’étais mort sur un gibet d’infamie. Je passai le reste de la nuit dans des transes mortelles.

Le matin, le prêtre m’apporta le saint Viatique. Je communiai avec tout l’esprit de piété qui m’avait envahi depuis la visite du prêtre.