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Plus loin, sur une page bordée de noir, un extrait de journal relatant les détails des funérailles de M. Montreuil. La nombreuse assistance venue pour escorter sa dépouille mortelle témoignait de la popularité du défunt. Enfin, un peu plus loin, les découpures recommençaient, arrangées avec un certain désordre, mais toujours d’un caractère grave. De temps en temps, une poésie sur les orphelins, les veuves, les misères muettes. Plusieurs n’avaient pas encore été classées. Je lus ce que je pus, à la hâte. Le même goût sûr avait présidé au choix de toutes ces pièces, mais toutes étaient de nature austère.

J’entendis les pas d’Allie, qui venait vers moi. Précipitamment, je remis l’album à sa place, essayant de m’arracher aux réflexions qui me hantaient et tâchant de dissimuler l’émotion qui m’étreignait.

Je passai dans la salle à manger. Une nappe blanche recouvrait la table ; mais les plis un peu jaunis prouvaient qu’elle n’avait pas été dépliée depuis la mort de Mme Dupontier. Il y avait bien longtemps que je ne m’étais pas assis à cette table familiale. C’était la même table qu’autrefois, au temps de mon enfance : une table en noyer noir, supportée par des pieds au bas desquels une tête de lion reposait tranquillement, l’œil aux aguets.